LE GRAPHISME DES LETTRES HEBRAIQUES


Shifra JACQUET-SVIRONI, professeur d'hébreu, a animé vendredi 19 octobre dernier une conférence sur le thème du graphisme des lettres hébraïques.


Symbolisme, numérologie, graphisme... les lettre hébraïques peuvent être abordées sous de nombreux angles analytiques.


Shifra Jacquet-Svironi nous a montré l'une après l'autre les 22 lettres de l'alphabet hébreu. Elles représentent toutes un objet de la vie quotidienne des hébreux à l'époque de la création de l'alphabet. A un niveau plus spirituel, ces graphismes renvoient à des concepts majeurs.


Prenons quelques exemples :  (leur graphisme se trouve en bas de cet article)


Aleph : représente la face d'une vache ou d'un autre animal fort ; autrement dit, la force.


Bet : représente une grotte, lieu des retrouvailles familiales. L'ouverture de la lettre, à gauche, correspond à l'entrée de la grotte ; et le prolongement du trait inférieur de la lettre renvoie à un appendice de la grotte, une chambre. Au niveau conceptuel, la grotte est une protection.


Vav : représente un crochet. Cette lettre relie deux éléments.


Het : représente une barrière pour délimiter un clos, protéger un troupeau de brebis ; autrement dit, les limites que l'on pose dans notre vie.


Lamed : est la seule lettre dont le trait supérieur dépasse la hauteur des autres lettres. Cette lettre représente un fouet. Par l'étude, nous pouvons dompter notre esprit et nous élever.


En cliquant sur les fichiers ci-après, visualisez les lettres bet, het, lamed et vav, accompagnées de leurs représentations graphiques.



NB :  Les lettre étaient, à leur création, gravées sur la pierre, à l'aide d'un clou et d'un marteau. Par commodité et afin de ne pas se faire mal à la main (que le marteau ne frappe par inadvertance la main au lieu du clou), les hébreux gravaient la pierre de droite à gauche, plutôt que de gauche à droite.

                 

                                                                               Cynthia Nissim















LEON BLUM AUJOURD'HUI


Lors de notre soirée du 17 mai dernier, l'historien Jean-Pierre Rioux a évoqué Léon Blum. Si les historiens continuent d'étudier son parcours et son bilan (voir Ilan Greilsamer, Blum, Flammarion, 1996), sa trace dans la mémoire collective semble s'effacer cinquante ans après sa mort. On a peine à concevoir aujourd'hui la détestation et l'affection dont le même homme a pu être l'objet. Tandis que l'extrême droite mène des campagnes haineuses contre le chef du Front populaire, qui retrouve le premier Juif à être devenu président du conseil, les militants de la SFIO adulent le chef du Parti, le tribun, l'éditorialiste du Populaire. Comme pour Jaurès, dont il est l'héritier, le peuple socialiste s'est mobilisé à sa mort.


 Plutôt que rappeler une biographie qui est dans les encyclopédies et les livres d'histoire, Jean-Pierre Rioux a préféré faire entendre la voix du personnage. Il cite des textes peu connus de Léon Blum, articles du Populaire, discours de congrès socialistes ou encore et surtout extraits du livre A l'échelle humaine.  Cet ouvrage, qui malheureusement est aujourd'hui d'accès difficile (dernière réédition : Gallimard, collection Idées, 1971) est le fruit d'une réflexion menée alors que le régime de Vichy l'avait emprisonné dans  une forteresse.


Le drame de Léon Blum est d'avoir été à la tête d'un Parti dont l'unité était superficielle. Quand, en 1936, il assume, avec un courage considérable, l'exercice du pouvoir dans une conjoncture géopolitique et économique difficile, il se retrouve à la tête d'une coalition fragile et, pour ne citer que ce fait, le puissant courant pacifiste de la SFIO lui interdit de prendre les décisions qui s'imposent, par exemple l'intervention en faveur de la république espagnole. D'où une déception voire un ressentiment qu'entretiennent les communistes.


Pour Jean-Pierre Rioux, les secrets de l'homme sont à rechercher entre 1890 et 1900. Léon Blum est un juif d'origine alsacienne qui, comme les intellectuels de sa génération, Benda, Gide et Péguy, a été formé par une école publique militante et triomphante. On ne comprend pas autrement son optimisme inébranlable. Un monde nouveau, pense jusqu'à la fin cet esprit profondément laïque, est inévitable du moment où il a été pensé comme rationnel. Sa conviction est à la fois émouvante et anachronique.

           

                                                                                   Vered



L'œuvre de Jorge Semprun


    Le 12 mars dernier, nous avons dû accueillir l'écrivain Jorge Semprun. Comme il s'est décommandé au dernier moment, Jacqueline Lévi-Valensi, professeur à l'Université de Picardie, qui devait assurer la soirée, a accepté de présenter son oeuvre, dont elle est une des meilleures spécialistes.


    A l'inverse de Primo Lévi qui disait "je reviens à la vie en écrivant", Jorge Semprun vécut la création de son oeuvre comme une souffrance totale. Pendant longtemps, entre l'Ecriture ou la Vie Semprun a choisi la Vie, et d'abord l'action politique (Il est longtemps un dirigeant du Parti communiste espagnole clandestin. Tout en l'abordant obliquement tout au long de son oeuvre, Semprun ne recréera la vérité de sa déportation à Buchenwald que 47 ans plus tard. En effet, la représenter plus tôt signifiait pour Semprun revivre Buchenwald. Pourtant, durant l'hiver 45-46, Semprun avait commencé à écrire, mais il est arrivé à la conclusion que ce travail débouchait sur une impossibilité de vivre, sur le suicide. D'où son mutisme pendant plusieurs années, refusant les questions sur sa déportation, les éludant, car ne pouvant y faire face. C'est le hasard qui a vaincu et interrompu cet oubli, au moment d'une visite presque "touristique" de Semprun à Buchenwald, des dizaines d'années après

le drame.


    D'autres auteurs, tels Primo Lévi ("Si c'est un Homme") ou bien Robert Antelme ("L'Espèce Humaine"), ont eu besoin d'écrire immédiatement pour se libérer, dans un but thérapeutique, dans l'urgence de se raconter. L'Ecriture était pour eux une façon de résister, une lutte contre l'Oubli au quotidien et la Marginalisation. A son retour d'Auschwitz, Primo Lévi a l'impression que l'acte d'écrire équivaut pour lui à "s'étendre sur le divan de Freud", il le juge comme "un besoin élémentaire".


Comment témoigner de l'indicible?


    Pour Semprun, "l'essentiel, c'est de parvenir à dépasser l'évidence de l'Horreur pour essayer d'atteindre à la Racine du Mal. L'essentiel, c'est l'Expérience du Mal. On peut la faire partout… Nul besoin des camps de concentration pour connaître le Mal. Mais ici, elle aura été cruciale et massive, elle aura tout envahi, tout dévoré..."(L'Ecriture ou la Vie, p. 98)


     Ce qu'a écrit Semprun peut paraître décousu à un lecteur hâtif, car écrit en état d'urgence. Mais comment décrire l'Horreur, comment retranscrire "l'Innommable", cette "ténèbre qui leur était échue à tous en partage" ? Pour Semprun, cela passe par l'Art, Semprun mélange Art et Souvenir. La réalité est trop atroce, l'Horreur est trop grande pour le verbe, elle heurte les limites de la conception humaine: "seul l'artifice d'un récit maîtrisé parviendra à transmettre partiellement la vérité du témoignage" (L'Ecriture ou la Vie p. 23).


    Le langage permet tout. Pour Semprun, on a besoin d'artifice pour que le vrai soit crédible, compréhensible, il y a comme une nécessité d'organiser littérairement la mémoire. Il faut trouver des façons de suggérer, de faire comprendre les choses. Et expliquer, suggérer l'essentiel dans un livre n'est possible, selon Semprun, que par l'Art ou l'Artifice.


     La magnifique Oeuvre de Jorge Semprun pourrait se décrire comme un cri d'alerte face à la barbarie. Mélangeant habilement et subtilement le témoignage et la fiction, "l'Ecriture ou la Vie" est un

véritable tour de force littéraire : c'est l'Art contre l'Oubli.


                                                                         Géraldine Assouly.


ALBERT MEMMI, rencontre du 12 décembre 2000


Rien n'a destiné notre hôte à devenir un écrivain français. Ses parents étaient des artisans pauvres du ghetto tunisois. C'est pour lui un défi qu'il relève très tôt. L'acquisition d'un savoir européen entre d'abord en contradiction avec la tradition dans laquelle ils l'ont élevé. Il choisi de devenir professeur de philosophie et épouse une collègue française, puis il décide de relater son expérience dans La Statue de sel, roman d'apprentissage dans lequel se sont reconnus tant de jeunes juifs et maghrébins, et Agar.


Ce souci de l'expérience vécue l'amène ensuite à écrire un essai, Portrait du colonisé. Le philosophe se fait sociologue. Les juifs tunisiens étaient tunisiens, ils n'étaient pas musulmans. Ils se trouvaient donc écartelés entre colonisateurs et colonisés. Memmi décide d'écouter les uns et les autres, il analyse les prétentions des uns, les revendications des autres. Contre l'interprétation marxiste, il montre que ces revendications sont culturelles, politiques avant d'être économiques. C'est à lui que l'histoire donne raison. Le livre connaît un immense retentissement.


Le sociologue, devenu Professeur à Paris X Nanterre, s'attache à tous les mécanismes de la domination dans de nouveaux ouvrages où il étudie successivement la condition juive, le racisme, l'identité, la dépendance. Ce qui le conduit à élaborer les notions d'hétéro phobie (peur de l'autre qui produit de l'agressivité) et de judéité qui sont aujourd'hui entrées dans le patrimoine conceptuel.


Son dernier livre, Le Nomade immobile, fait le bilan de toute son œuvre. Il estime que l'identité n'est pas un donné ou un absolu sous peine d'être idolâtrée. Elle est l'objet de dosages variables, elle fluctue dans l'histoire des individus comme des groupes.


Comme l'a dit Jacqueline Lévi-Valensi qui le présentait, la trajectoire de Memmi présente après coup une grande cohérence. Il est celui qui fait connaître les uns aux autres. Il a su préserver sa singularité en l'ouvrant à l'universel. Le révolté est devenu un sages.


Jeunes adultes de la communauté juive (20-32 ans)

ici, page n° 5

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